Tandis que les Parisiens discutent la question de savoir qui présidera le centenaire de Voltaire, on écrit de Fernex à l’Estafette que les conseillers municipaux de cette petite ville demandent l’autorisation légale de lui donner le nom de Ferney-Voltaire, que l’Assemblée constituante lui avait décerné en 1790. Cela viderait définitivement une assez vieille querelle d’orthographe.
En 1125, d’après un acte transcrit en marge de la grande Bible de la Bibliothèque de Genève, le hameau avait nom Fernai; vers le XIIIe siècle, on écrivit Fernex, par analogie avec les noms des localités voisines : Saconnex, Gex, Collex, etc. En 1758, sous la plume de Voltaire, Fernex devint par euphonie Ferney, et il semblait, tant cette orthographe fut généralement adoptée, que ce fût dès lors chose réglée. Mais sous la seconde république, en 1850, le chef du bureau de poste modifia son timbre qui datait de 1792 ; le nom de Voltaire y fut effacé, et l’y disparut pour faire place de nouveau à l’x ; trompés par cette fantaisie d’un particulier, les dictionnaires écrivirent Fernex, et la foule suivit le mot d’ordre des dictionnaires; cependant à la mairie on resta fidèle à l’appellation de la Constituante de 1790, et à la justice de paix on conserva au moins l’y, en sorte qu’il y a maintenant un receveur des postes à Fernex; un juge de paix à Ferney et un maire à Ferney-Voltaire.
Le Conseil municipal rappelle dans sa pétition que Ferney date en réalité de Voltaire. “C’est Voltaire, dit-il, qui l’a peuplé, qui a transformé ce hameau, habité par cinq communiers seulement, en un village florissant et industriel. Pour l’enrichir, il s’est fait courtier en horlogerie, y a tenté la culture de la garance, a desséché les marais, créé la fête de l’Oiseau, obtenu de l’administration une fontaine publique. Rejeter cet y, supprimer l’accolade de ces noms, d’ailleurs inséparables, ce serait renier le nom de celui dont la grande ombre, protégeant Ferney même après sa mort, l’a conservé à la France après 1815, après l’avoir de son mieux délivré des douaniers de la Ferme générale, en obtenant la franchise du pays de Gex.”
Journal de Genève, 17 avril 1878